2. Entre méthodologie et réflexion

Différents types d'ateliers sont organisés en Éducation Permanente à l’Adeppi (Culture mitoyenne, lecture, arts plastiques, djembé, écriture, théâtre…) visant un objectif commun, qu'il est primordial de définir.

Les pratiques développées dans nos différents ateliers visent la construction de sens, le fonctionnement en collectif et l’envie d’action.

Les ingrédients communs sont :

  • le collectif comme moteur mobilisateur ;
  • l’individu inscrit dans un collectif mais également en tant que personne ;
  • l’animateur(trice) comme passeur(euse) ;
  • l’ancrage dans le réel et dans l’imaginaire ;
  • l’analyse réflexive ;
  • l’évaluation de l’impact.

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Une action globale

Il faut en revenir à une action plus globale. Les compétences d’éducation et de culture ont été confiées aux entités fédérées, ce qui a eu pour effet une mise à distance des compétences entre elles. La pertinence des ateliers d’éducation permanente trouve du sens dans l’action conjointe de ces 2 compétences. Quelle serait la pertinence de faire un atelier « communication non-violente » de 5 journées s’il n’y a pas de prolongement dans d’autres ateliers et/ou formations (atelier écriture, remise à niveau, informatique, arts plastiques, théâtre, musique…) ?

Il est important de fixer un cadre qui pose les bases nécessaires pour que la coopération, la solidarité et l’esprit d’initiative soient rencontrés :

  • Tous capables et tous porteurs d’expériences ;
  • « Je cherche, donc j’apprends » ;
  • Un vécu de réussite ;
  • Le non-jugement.

Nos ateliers

« Et si la langue et l’imaginaire étaient le matériau, et si l’écriture était une des expériences majeures grâce à quoi cet apprendre ensemble au contact du monde nous rend humains et ouvre l’avenir. »1
Odette et Michel Neumayer

Nos ateliers sont des espaces/temps particuliers, des parenthèses dans la vie carcérale, dont la finalité n’est pas uniquement d’acquérir des savoirs précis, mais plutôt de rentrer collectivement dans un processus qui permettra à chacun de s’exprimer, d’expérimenter de nouvelles réalités et d’être en lien avec la société (en faire partie et interagir avec elle).

Ils ont pour ambition de permettre aux personnes d’expérimenter des manières de faire, de se confronter à celles des autres et de faire ensemble. Tout au long des ateliers, les participants sont invités à produire du texte, de la musique, des arts plastiques, et à mettre en commun leurs productions, les questions et les réflexions qui émergent durant le temps de l'atelier.

Ils deviennent alors des lieux où les valeurs de coopération, de solidarité, d’initiative et de confiance sont mises en œuvre concrètement pour la réussite de tous. Une réflexion individuelle et collective se construit et permet l’action. Chacun devient alors passeur(euse) d’idées qu’il peut porter et diffuser. Il démultiplie les façons de créer en donnant une image renouvelée de lui-même, de la société et du concept de « création ».

« Personne n’éduque autrui. Personne ne s’éduque seul. Les hommes s’éduquent ensemble au contact du monde. »
Paolo Freire

Le rôle de l’animateur(trice)

L’animateur(trice) propose des ateliers dans lesquels les personnes sont mises en situation pour trouver des solutions nouvelles. Il proposera de créer, de se confronter à des textes d’auteurs et à des œuvres de plasticiens, de prendre la parole pour raconter son cheminement.

Il instaure des moments qui permettent les échanges par la mise en perspective des observations, des lectures, des paroles, ... avec les productions. Chacun pourra alors se confronter à d'autres perceptions, prendre conscience de sa façon de penser et d’agir pour peu à peu la dépasser ou réfléchir aux moyens de le faire.

La posture de l’animateur(trice)

« À ceux qui savent à quel point la parole peut avoir une valeur libératrice, tous les usages de la parole pour tout le monde, voilà qui me semble être une bonne devise, avec une belle résonance démocratique. Non pour que tout le monde devienne artiste, mais pour que personne ne reste esclave. »2
Gianni Rodari

Ne pas être esclave, c’est oser parler, ouvrir un livre, chanter, écrire, peindre, faire de la musique, apprendre à lire ou pousser une porte par curiosité ou par plaisir.

Si l’animateur(trice) est convaincu que chaque apprenant est porteur de savoirs et capable d’apprendre, de réfléchir, de participer, de faire partie de la société, il n’en va pas de même de la perception que l'apprenant a de lui-même. L’apprenant se voit comme en dehors du monde et n’ayant rien à lui apporter.

L’animateur(trice) est un passeur(euse), un facilitateur : il encadre et prend part au processus.

Les apprenants comme constructeurs de savoir

Les méthodes participatives de nos ateliers s’articulent selon 2 axes :

  • la co-construction et la structuration progressive des ateliers par les animateurs(trices) et les apprenants ;
  • l’utilisation des connaissances des apprenants et des animateurs(trices) comme matière vivante.

Les apprenants sont dès lors considérés comme producteurs de savoirs et deviennent des acteurs sur qui repose également la responsabilité de s’approprier des techniques et des connaissances qu’ils contribuent à construire collectivement.

Encourager, outiller la mobilisation

Nos ateliers permettent à chacun de clarifier sa vision du monde, de la partager, de la faire évoluer au contact des autres. Ils proposent aussi des lieux et des moments où le débat devient possible, souhaité et valorisé. Ils encouragent, outillent et valorisent la mobilisation autour et au nom des valeurs citoyennes, humanistes et progressistes afin de redonner la capacité d’agir.

Du « Vivre ensemble » au « Faire ensemble »

Le pédagogue français Philippe Meirieu, héritier des mouvements d'éducation populaire préfère résolument la notion de « faire ensemble » à celle de « vivre ensemble » qui peut s'apparenter à « une juxtaposition des indifférences » ou à la fragmentation autour de communautés d'intérêts. Pour lui, grâce à l'action collective, nous éprouverions la prise de responsabilité et l'autorité qui en découle. C'est le cas aussi d'Ismaël Saidi, aux yeux duquel le « vivre ensemble » a les allures d'une coquille vide. Nous pouvons en effet vivre sous un même toit, les uns au premier, les autres au troisième étage en toute indifférence. Comme nous pouvons vivre dans un même quartier, un même pays, juxtaposés, compartimentés, en se négligeant mutuellement voire en se méprisant.

Il nous faut travailler notre regard et aller un cran plus loin : agir en commun.

Le « faire ensemble » est moins confortable que le « vivre ensemble ». Il demande une implication, une envie de rencontrer l’autre et d’agir avec lui. Les désaccords entre les personnes et les groupes d’appartenance sont nombreux. Il ne s’agit pas de les effacer, mais bien de créer des ponts pour tous nous enrichir, pour rebondir et pour construire de nouveaux projets de société.

L’émancipation

Il est vrai que de parler d'émancipation en prison peut paraître difficile, l'endroit ne s'y prête pas, mais nous mettons tout en œuvre pour permettre à l’individu de « grandir ». Cet objectif interroge autant le formé que le formateur. En effet, si l'animateur(trice) maîtrise la technique de conception de l'atelier, les matériaux, le déroulement et l'analyse réflexive, il n'est pas maître de l'activité mentale des participants, ni des effets produits par ce cheminement tout au long de l'atelier.

Il convient donc de fixer un cadre, d'insister sur les actions d'éducation permanente, pour donner une place à l’appropriation de l’histoire, des différentes cultures et des arts en les travaillant à l’intérieur de chaque thématique d’action et sans tuer le désir, la créativité et l’imagination de l’individu.

1 Neumayer Odette et Michel, Animer un atelier d’écriture, Faire de l’écriture un bien partagé, ESF, 2003. [↑]

2 Rodari Gianni, La grammaire de l’imaginaire, Rue du monde, 1997. [↑]