Serious Game RTBF

Alain a été condamné à quatorze ans de prison pour avoir tenté d'assassiner avec un fusil à harpon le mari de sa maîtresse – un homme violent qui menaçait de la tuer si elle le quittait. Incarcéré depuis quatre ans et demi à la prison de Nivelles, Alain espère obtenir une libération conditionnelle. Recherche de travail, d’un logement… : saura-t-il surmonter les obstacles qui se dressent sur sa route ? Ce documentaire belge raconte avec pudeur le combat d'Alain pour se réinsérer et retrouver sa dignité.

La série documentaire.

Y-a-t-il une vie après la prison ? Si oui, laquelle ? Pendant un an et demi, Isabelle Christiaens a suivi le combat de cet homme dans ses démarches de réinsertion. Il a 36 heures par mois de congés pénitentiaires pour lancer ses démarches de recherches de travail (ou de formation) et de logement. 36 heures par mois pour retrouver sa place dans une famille à la dérive.

La réalisatrice a pu également, et c’est exceptionnel, assister et filmer ses comparutions devant le Tribunal d’Application des Peines, devant lequel il doit apporter les preuves qu’il est apte à se réinsérer dans la société.

Isabelle Christiaens capte également avec pudeur le naufrage familial qui a suivi le drame : Alain est père de deux adolescents de 19 et 21 ans qui vivent désormais chez leur grand-père. Alors que tous paient la note, Alain n’a qu’un souhait : retrouver sa liberté et plus encore sa dignité.

Écoutons la réalisatrice expliquer sa démarche :

Je pose des questions, mais je n’apporte pas de réponses. Au spectateur de se faire sa propose idée sur ce qu’est aujourd’hui la réinsertion. On voit combien c’est un vrai parcours du combattant pour obtenir un logement, décrocher une formation ou un boulot, entretenir des relations familiales… Quel employeur est prêt à engager un (ex-)détenu ? Comment payer la caution d’un appartement quand on est sans revenu ? Comment organiser un projet de sortie en composant avec des horaires, notamment administratifs, souvent incompatibles avec la vie carcérale ? Les obstacles sont nombreux. Et on ne sent aucune volonté politique pour permettre aux détenus de mener une nouvelle vie après leur détention. On reste dans une vision sécuritaire, sans perspective à long terme. Or, ce sont des milliers de détenus qui sortent chaque année. Et pour eux, tout comme pour la société dans son ensemble, c’est essentiel de mettre en place des moyens pour assurer leur réinsertion. J’espère que ce film contribuera modestement à relancer le débat.

Trouver du boulot en temps normal à 45 ans, c'est compliqué, mais quand on a un casier judiciaire, c'est presque mission impossible. Trouver un logement, ça veut également dire payer une caution. Quel propriétaire va accepter de louer à un ancien détenu ? Je trouve que tout est assez mal foutu, il y a un côté kafkaïen. On ne se met pas tous ensemble pour que ça fonctionne. C'est aussi un reproche que font les associations de réinsertion. C'est fastidieux pour les détenus et c'est souvent pour de petites choses que ça ne fonctionne pas. Il faut essayer de faire bouger les choses parce qu'il faut réinsérer les détenus dans notre société, leur donner une seconde chance. Les laisser en prison à fond de peine, ce n'est pas une solution. Au contraire, quand ils sortent, ils sont comme des bêtes qui ont été mises sous cloche pendant des années.

Le jeu de rôle interactif.

Que feriez-vous si vous étiez condamné à une lourde peine ? Aimeriez-vous avoir une seconde chance ?

En parallèle du documentaire, un serious game — un jeu de rôle au ton réaliste —, dans lequel l’internaute incarne un prisonnier en quête de sa libération conditionnelle, a été mis sur pied. Le but avoué était d’inscrire le film dans un projet plus large, avec une approche pédagogique, notamment à destination des jeunes,mais aussi  de n'importe quel public qui ne regarderait pas forcément le documentaire.

Il s’agit de créer une expérience interactive d’immersion sur la problématique de la réinsertion post-carcérale dont l’objectif est de faire changer les mentalités, de casser les préjugés et les jugements à l’emporte-pièce.

Le but du jeu proprement dit, dans lequel on agit sur le quotidien d’un personnage proche de celui du documentaire, sera d’utiliser notre week-end mensuel pour préparer au mieux notre libération conditionnelle.

Le personnage est doté d’une barre de moral, d’un compteur d’argent et d’un dossier de détenu qui sert d’historique. Chaque étape correspond à une journée de congé pénitentiaire et chaque action effectuée dans ces étapes aura des conséquences sur le moral, sur le budget mais également sur l’acceptation ou non de la demande de libération conditionnelle.

Perdre la partie revient à rater sa libération conditionnelle, soit en faisant les mauvais choix, soit en ayant un moral trop bas, soit en n’ayant plus d’argent.

Entièrement gratuite, l’opération transmédia « l’homme au harpon » a ainsi pour objectif de sensibiliser la population aux difficultés éprouvées par des anciens détenus au cours de leur réinsertion tant professionnelle que sociale.

[+] pour visionner le documentaire et essayer le jeu : www.rtbf.be/harpon

L’Adeppi a participé à plusieurs réunions de préparation du jeu en ligne, et a assuré un rôle de consultance destiné à rendre crédibles et réalistes les démarches pour sa libération conditionnelle, ainsi que les obstacles fréquemment rencontrés lors d’un parcours de réinsertion.